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Sentiers de neige est le titre d'un livre de Mario Rigoni Stern, publié par La Fosse aux Ours , en 1999.
C'est à cet ouvrage qu'est empruntée la citation : Du haut des montagnes, il sentit venir une très légère odeur silencieuse. Il leva la tête et vit qu'il neigeait sur les sommets.
Comment trace-t-on une route à travers la neige vierge ?
Comment trace-t-on une route à travers la neige vierge ? Un homme marche en tête, suant et jurant, il déplace ses jambes à grand-peine, s'enlise constamment dans une neige friable, profonde. Il s'en va loin devant : des trous noirs irréguliers jalonnent sa route. Fatigué, il s'allonge sur la neige, allume une cigarette et la fumée du gros gris s'étale en un petit nuage bleu au-dessus de la neige blanche étincelante. L'homme est reparti, mais le nuage flotte encore là où il s'était arrêté : l'air est presque immobile. C'est toujours par de belles journées qu'on trace les routes pour que les vents ne balaient pas le labeur humain. L'homme choisit lui-même ses repères dans l'infini neigeux : un rocher, un grand arbre ; il meut son corps sur la neige comme le barreur conduit son bateau sur la rivière d'un cap à l'autre.
Sur la piste étroite et trompeu se ainsi tracée, avance une rangée de cinq à six hommes. Ils ne posent pas le pied dans les traces, mais à côté. Parvenus à un endroit fixé à l'avance, ils font demi-tour et marchent à nouveau de façon à piétiner la neige vierge, là où l'homme n'a encore jamais mis le pied. La route est tracée. Des gens, des convois de traîneaux, des tracteurs peuvent l'emprunter. Si l'on marchait dans les pas du premier homme, ce serait un chemin étroit, visible, mais à peine praticable, un sentier au lieu d'une route, des trous où l'on progresserait plus difficilement qu'à travers la neige vierge. Le premier homme a la tâche la plus dure, et quand il est à bout de forces, un des cinq hommes de tête passe devant. Tous ceux qui suivent sa trace, jusqu'au plus petit, au plus faible, doivent marcher sur un coin de terre vierge et non dans les traces d'autrui. Quant aux tracteurs et aux chevaux, ils ne sont pas pour les écrivains mais pour les lecteurs.
(1956)
Varlam Chalamov, Récits de la Kolyma, traduit du russe par Luba Jurgenson, Verdier, 2003
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