La Neige, récit

La Neige

          Cet extrait est le début du récit.

 

           fermant les yeux

          la neige continue à tomber, des milliers de flocons tourbillonnant dans le fond de la nuit semblant ne jamais rejoindre la terre, et cependant la couche blanche peu à peu plus profonde amoureuse de la terre calmement l'emplissant la comblant, la neige tendrement recouvre le sol, s'évanouissant ;


 

          le silence monte avec elle au bord des lèvres un souffle gelé mué en buée blanche étouffe tous les mots,

          pas un appel au fond de la gorge plus un cri pas même une parole et pas même un murmure pas même un soupir à peine audible, presque pas un déglutis, et le battement du pouls ;


 

          la neige pour toujours gagne l'espace désormais étendu imprégné du songe d'un infini sommeil, le regard libre se pose au bord des cils une fenêtre sans barreaux toute verticalité estompée, la neige à l'instant de la liberté donnée efface les limites dilate la surface sans contours ni chemin encore frayé la neige se gonfle de pétales avec ce glissement soyeux de nénuphar une dérive laiteuse mystérieusement printanière rayonne à chaque fois que le vent secoue un nuage,

          au sol monte une immobilité bleuie une transparence tremblant autour des choses elles s'évanouissant dans la pâle froideur qui les ensevelit leur existence s'estompant le long d'une ombre, il n'est plus besoin des mains un monde se dérobe, on ne trouve à saisir qu'un gel qui fond entre les doigts, une nuit blanche se referme sur la peau des êtres et leur cœur cesse de battre se durcit se rétracte sous l'étreinte qui les glace à peine à la surface un contour plus gris plus mauve le volume s'allège de toute forme – ne plus toucher – un vertige l'infini désormais sans désir,

          il n'y a à prendre sur le fait que l'incessante disparition d'un monde épris de mort, un monde touffu un monde confus qui s'alourdit d'heure en heure s'opacifie et cependant de moins en moins énigmatique se simplifie en masses plus denses une matière brute uniforme presque lisse grumeleuse, si il n'y avaient les variations molles des ombres qui s'épaississent à contrejour et comme à contretemps car l'heure est plutôt à l'aplatissement des reliefs,

          il ne reste pas de trace, les yeux vidés écarquillés,

          blancheur invisible contre l'œil sorti de son trou, qui voltige, un papillon de nuit, éperdu, ne voit rien, une nuit blanche,

Commentaires

  • hélène benzacar
    • 1. hélène benzacar Le 02/03/2018
    Merci Naëma, il neige au Pouliguen et je lis ton très beau texte de nouveau.
    Je t'embrasse,
    Hélène

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