Triaise de François Perche
Dans une nuit profonde, Triaise...
À propos du très beau roman de François Perche, Triaise, édité pa rles Éditions MLD, 2010. (Cette maison d'édition a malheureusement cessé ses publications, mais il est toujours possible de la contacter)
Les dames de ces temps lointains n'ont pour lui ni visage ni corps. C'est par ces mots que Georges Duby ouvre l'étude qu'il consacre auxDames du XIIe siècle1.
Lui, c'est l'historien qui tente d'imaginer ces aïeules. Mais elles ne sont que reflets portés par des témoignages écrits par des hommes. Elles ne seront jamais pour nous que des ombres indécises, sans contour, sans profondeur, sans accent2.
Que dire alors de cette Troecia, dite Triaise, dite encore Trojécie, vierge, sainte, recluse dans un cimetière à Poitiers, au IVe siècle3? Que reste-t-il d'elle ? Une sculpture sur une dalle au musée de Poitiers montre une jeune femme aux courbes rondes et douces4. De cette ombre, François Perche s'empare, très délicatement, avec le même geste tendre que celui de Leonnius, le vieil homme, compagnon de Saint-Hilaire, qui veille l'agonie de la jeune fille et soutient son frêle corps dans la nuit. Comme lui, il écoute ce peu de souffle qui monte encore. Comme lui il contient sa colère. Son écriture enveloppe la pauvre chair torturée par les mortifications comme le linge qui l'enserre dans ces ultimes moments.
À celle qui par amour s'est portée au devant de la mort, a voulut effacer son désir, et cependant dans le reflet des flaques d'eau, voyait encore d'elle-même la tendre courbure d'un corps de femme5, François Perche donne une chair plus radieuse entre ses mots qu'au jour de la Résurrection. Telle est la merveille de toute écriture véritable, se faire l'embaumeuse d'un oiseau blessé jusqu'à devenir son chant.
Ajouter un commentaire