Mehr Licht ou l'ultime autobiographie
« Toutes les images disparaîtront. »
c'est sur ces mots que s'ouvre l'autobiographie d'Annie Ernaux, Les Années1, qui parcourt photographies, souvenirs personnels et collectifs au fil des années, depuis l'après-guerre jusqu'à aujourd'hui. Remarquable incipit : il convoque le passé dans un futur qui l'abolit. L'effet est saisissant. Le moment de l'écriture ressuscite, présente ce qui va disparaître. Morituri...Sauf qu'ici le salut s'adresse, ultime, à ce monde guetté par sa disparition. Le livre n'en est pas le monument : les mots eux-mêmes s'effaceront, peu à peu incompris, signes délités, évidés de leur sens lorsque ceux qui les parlent et pour qui ils parlent auront disparu. « Je » et tous ces « on », ces « nous » qui l'ont accompagné, mais aussi le lecteur ne sont plus que medium entre deux abîmes du temps qui les engloutit. La mise à jour du passé est éphémère, aussi rayonnante qu'une pellicule photographique exposée à la lumière dans laquelle elle s'évanouit. Ce qui reste ? La lumière peut-être... « Elle voudrait saisir la lumière qui baigne des visages désormais invisibles, […], cette lumière qui était déjà là dans les récits des dimanches d'enfance et n'a cessé de se déposer sur les choses aussitôt vécues, une lumière antérieure. »2
1Gallimard, folio, 2009.
2Supra, p.253.
Ajouter un commentaire