Le Pont flottant des songes

À propos du Pont flottant des songes, de Junichirô Tanizaki, Gallimard, folio, 2009

Le pont flottant des songes ou comment dire le secret ? ou De l'art du palimpseste

          Le narrateur de cette nouvelle précise la distance qu'il maintient à la vérité des faits racontés. « Je peux certes affirmer que tout ce qui est rapporté ici est strictement véridique, exempt de la moindre invention, de la moindre déformation, la vérité a néanmoins des limites, et il y a une ligne au-delà de laquelle on ne peut plus l'écrire. Aussi, bien que je n'invente rien, je ne livre pas pour autant toute la vérité. ». Tout ce qui s'est passé n'est donc pas dit et toute la vérité serait prise dans les plis du récit, pour une part dans les mots et pour une autre part entre les mots eux-mêmes, là où « on ne peut plus l'écrire » et où elle reste cependant comme sur le pont flottant des songes.

          Que raconte le récit ? la relation très aimante entre Tadasu, le narrateur, et sa mère, perdue très tôt et merveilleusement réincarnée dans la seconde épouse de son père.

          L'image du pont flottant des songes, titre de la nouvelle, se trouve reprise dès les premières lignes du récit. C'est un renvoi explicite au titre du cinquante-quatrième et dernier chapitre du Dit du Genji, intitulé « Le Pont flottant des songes »1. Effet d'écho d'une histoire à une autre. Il se peut que la lecture duDit du Genjiintervienne entre les mots de la nouvelle de Tanizaki pour y suspendre cette passerelle de sens qui fait signe vers le non-dit de la nouvelle.

          Parvenu aux dernières lignes de la nouvelle, si l'on va relire les premiers chapitres du Dit du Genji,on peut découvrir le secret du narrateur et quel amour non écrit erre encore sur le pont flottant des songes.


1Dans l'édition française, Gallimard , folio, 2009, une note du traducteur, Jean-Jacques Tsudin, donne cette information inutile au lecteur japonais. Le Dit du Genji est un ouvrage classique de la fin du Xe siècle, fondateur du roman japonais et écrit par une poétesse, dame de la cour de Heian, Murasaki Shibiku.

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