L'Enfant fosssile
de Philippe Forest, Éditions Invenit / Musée des Confluences, 2014
« Rien. / Ou du moins : presque rien. »
Ce qui reste d' « un enfant de cinq ans vieux de trois cent vingt siècles », un fragment de mâchoire où subsistent deux dents, un fossile, une relique, « une sorte de monument miniature » sorti du temps, si léger entre nos mains.
Comme ces souvenirs d'enfance que notre mémoire charrie par bribes en tentant vainement de leur donner corps en les invoquant dans la nuit des années, des hantises soufflées dont l'être disparu n'a laissé que les formes cristallisées.
Comme ces mains négatives imprimées sur les parois des grottes dites préhistoriques.
Comme l'empreinte d'une main d'enfant sur un dessin d'école.
Comme le signe d'adieu que la même main de la même enfant adressa à ses parents au bord de la nuit.
« Qui pleurerait sérieusement un enfant fossile ? »
Pourtant voilà que lisant / écrivant cela, je suis déchirée par un chagrin venu de très loin. Si les mots de Philippe Forest me touchent à ce point, c'est qu'il ouvre au cœur de l'écriture le mouvement de la perte et du deuil inconsolable, « un vide creusé dans l'épaisseur même du temps et où vient se loger perpétuellement la même absence, retenant la forme fossile de ce qui n'est plus, mais qui, cependant, pour l'éternité, un jour aura été. »
Le Musée des Confluences de Lyon a invité des écrivains à choisir un objet de ses collections pour en faire la matière d'un récit.
Le fragment de mandibule choisi par Philippe Forest a appartenu à un enfant âgé entre 5 ans et demi et 6 ans et demi de l'ère dite aurignacienne. C'est à ce jour le plus ancien fossile Homo sapiens connu en Europe de l'Ouest.
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