Comment dire ?
Infimes instants du désastre, de Jean-Michel Lecomte aux Éditions Cénomane (2011)
Poignant roman. Merci à son éditeur qui me l'a recommandé. Voilà un ouvrage, longuement médité, qui se pose de bout en bout la question de "comment dire", jusque dans ses retranchements : le narrateur est chargé de rapporter non ce qu'ont vécu les personnages, mais "la difficulté dans laquelle se trouvaient [les personnages] de dire quelque chose de ce qu'ils avaient vécu." Et c'est bien aussi la question que se pose l'auteur au moment d'écrire des faits terribles qu'il n'a abordés jusqu'alors qu'en tant qu'enseignant, expert auprès du Conseil de l'Europe pour l'enseignement de la Shoah. C'est toute la structure du roman, l'imbrication des strates de textes, le jeu des notes, du journal, de la correspondance, les détours de la voix chargée de la narration - comme des repentirs de l'écriture - qui portent cette difficulté.
Juste avant cette lecture, celle de Des hommes, de Laurent Mauvignier (Minuit, 2009). Glaçant, comme je le redoutais - j'ai mis 4 ans avant de me décider à le lire -. Avec l'impression qu'au fond je l'avais déjà lu, que je savais tout de cette sanglante horreur. Pourquoi poursuivre cependant ? Le lecteur se doute bien qu'au détour des pages il va tomber sur des abominations. Et en lisant, on ne peut pas se défaire de cette attente épouvantable - que je n'appelle pas du suspense -. Malaise malsain, voyeurisme complice. Le roman de Mauvignier ne tient que par les figures des soldats perdus.
Préféré Ce que j'appelle oubli, du même Mauvignier (Minuit 2011). Texte emporté.
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