Pierre Huyghe à Beaubourg

           Vendredi dernier, j'ai passé plusieurs heures en immersion dans l'univers envoûtant, labyrinthique, poétique créé par l'oeuvre de Pierre Huyghe dont une rétrospective est offerte au Centre Beaubourg.

           Un fil (d'Ariane) parmi d'autres : la lumière. Une vidéo montre le projet Forest of Lines réalisé en 2008 pour l'opéra de Sidney où Pierre Huyghe a installé une forêt à l'intérieur de l'édifice.

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           Le public muni d'une lampe frontale progressait dans cette forêt brumeuse où se diffusait  une lumière basse, guidé par un chant qui décrivait un chemin, une sorte de carte orale à la manière des Aborigènes. De plus haut, on voyait des lignes de lumière qui cheminaient. Cette installation a été reprise au Guggenheim Museum à New York, dans un espace vide cette fois si bien que les lampes apparaissaient comme "des positions formant une constellation contrainte par l'espace d'exposition", raconte l'artiste dans Art Press N°404 d'octobre 2013.

          Vendredi, j'ai dérivé dans l'exposition en suivant des écheveaux lumineux, lampes, reflets, et au gré des parcours et du moment les lumières variaient en intensité et en qualité.
    Lorsque apparaît une statue à l'antique, un corps de femme dont la tête est colonisée par un essaim d'abeilles (une oeuvre exposée à la Documenta 13 de Kassel), la lumière prend part à la métamorphose, elle est une composante de la dimension mythologique de l'oeuvre, en elle s'accomplit le mystère, dans l'instant, sous mes yeux, tandis que plus loin sur un écran fragile une vidéo réalisée à Kassel déploie en milliers de pixels colorés une autre fable étrange où végétaux, animaux, êtres animés et inanimés s'épousent, se dévorent, se confondent. 

          "
Le seul moyen pour un homme d'exister est d'accepter la pluralité de son être ; le seul moyent de s'approcher de la matière du monde est de reconnaître son irréalité", écrit Eugène Green à la fin de son roman La Reconstruction.
          Et voici que dans cette errance inspirée par la lumière, je touchais à un territoire incertain, un no man's land ouvert qui n'était ni la réalité ni la fiction, comme ce banal lotissement de banlieue où des enfants déambulent avec des masques d'animaux dans le surgissement puis le déclin d'un jour radieux, comme l'espace même de la rétrospective où se promène un acteur au masque de lumière, comme la respiration de cette brume colorée qui bat au rythme des Gymnopédies d'Éric Satie, comme le scintillement merveilleux d'une patinoire infiniment rayée où la danseuse s'est absentée. 

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