"Pour montrer Auschwitz, seul l'art est possible"
- Par Nema Revi
- Le 04/09/2013
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Jacques Rancière, Figures de l'Histoire, (PUF, 2012) :
"[...] pour montrer Auschwitz, seul l'art est possible, parce qu'il est toujours le présent d'une absence, parce que c'est son travail même de donner à voir un invisible, par la puissance réglée des mots et des images, joints ou disjoints, , parce qu'il est ainsi seul propre à rendre sensible l'inhumain." (p.48)
Dans Le Monde, Cultures et Idées, du 18 février dernier, une image extraite de la série Images et Textes de l'artiste syrien Akram Al-Halabi : on voit un détail d'une photographie dans des tons bruns captée sur Internet, le massacre d'une famille à Homs le 30 janvier 2012. Deux bustes d'enfants renversés sur le dos et nus. Les corps sont flous et leur silhouette pâle est piquée de mots épars qui nomment le détail de ce que l'on aperçoit : "Hand, Shoulder, Throat, Ear, Noose", mais encore "Heart, Syria", et puis "Bullet, Blood".
Cette image plus terrible que la photographie de presse.
Pas spectaculaire (l'abomination qu'est la vue des cadavres d'enfants ensanglantés).
Implacable : qui ne peut pas être apaisée.
Nous force à voir (les corps des enfants constellés de mots qui disent leur fragilité prise pour cible, montrent la carte des endroits par où la mort entre).
Les mots semblent avoir été tapés à la machine à écrire. Ce tatouage monstrueux utilise le vocabulaire de l'humain dont il nomme la chair délicate, "Finger, Chin, ..." et en même temps il désigne de façon abstraite des points d'impact possibles.
Cette image est un monument aux Morts. Dans la partie haute, on lit cette phrase : "We will never forget you... children of Syria. 30/02/2012
Cette image, la cruauté, notre cruauté d'humain.
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