Nostalgie de la lumière

          TelechargementC'est le titre d'un film de Patricio Guzman (2010), classé "documentaire", et de fait inclassable tant sa singularité poétique vous laisse plus bouleversé que savant lorsque l'écran noir de la fin apparaît.

          Dans le désert d'Atacama au Chili, à trois mille mètres d'altitude, la lumière est limpide et pure. L'observation des étoiles par les astrophysiciens croise là les fouilles d'un sol brûlé de soleil par des femmes en deuil. Les premiers sont  à la recherche de l'histoire du cosmos, les secondes en quête des corps de disparus pendant la dictature de Pinochet. Le film est hanté par la mémoire, celle de la naissance des mondes, celle des violences et des massacres.

          La terre pulvérulente s'enroule autour des ruines d'un cimetière et d'un ancien village de mineurs devenu un camp de travail pendant la répression. Un rescapé, architecte, pendant son emprisonnement, mesurait en marchant les bâtiments et les cours ; la nuit venue, il dessinait les plans. Puis il déchirait la feuille de papier et en jetait les mille morceaux. Ainsi, il a gardé la mémoire des lieux et les a retracés fidèlement à sa libération. C'est à proximité de ce camp, mais aussi partout ailleurs dans le désert, que les camions venaient apporter les cadavres de ceux qui avaient été torturés, exécutés.  Ensuite exhumés à la hâte, ils ont été emportés encore plus loin, on ne sait où. Restent ça et là des fragments osseux que recueillent les femmes. Sous le sable, il y a aussi les corps momifiés d'hommes très anciens en route vers l'Océan. Les savants découvrent dans la poussière astrale des traces de calcium, le même que celui contenu dans les os brisés dispersés dans le désert.

          Le fil conducteur du film est la lumière, celle qui baigne les souvenirs d'enfance dans un Chili heureux, avant la dictature, celle des étoiles, celle, transparente, du ciel d'Atacama, celle aussi du regard d'une toute jeune femme, fille de disparus, qui, son bébé dans les bras, inscrit son histoire terrible et déchirante dans l'histoire cosmique, dans les cycles des destructions et des renaissances.

-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

 

Commentaires

  • muriel
    • 1. muriel Le 06/12/2014
    ce film est un chef d'oeuvre, vive les salles d'art et d'essais
  • Benzacar
    • 2. Benzacar Le 06/12/2014
    Merci Naëma pour ce texte magnifique, ce film est-il encore programmé ?
    Hélène

Ajouter un commentaire