Neige et feu

          La lecture de Notes du ravin1, m'a livrée à une mélancolie tenace. Malgré moi – car je voulais résister à cette idée qui mêlait si douloureusement la vie et l'œuvre (et pourquoi pas ?) -, je me disais que la maladie, la fatigue, l'idée de la mort avaient glacé ce livre.

          Et la mort d'amis.

          Et je revenais à Truinas (21 avril 2001)2, le récit par P. J. de l'enterrement d'André du Bouchet.

          Et ce matin, sur la fin des Carnets3 d'André du Bouchet, justement, je lis ceci, qui se glisse dans la neige de Truinas, et touchent aux Notes du ravin, leur fait comme un écho antérieur :

 

La fin nous a laissés avec un immense monde blanc -

   où cette brûlure en nous qui est à la fois proche ou lointaine    Loin, bleu

   le point où ce qui est proche touche ce qui est lointain

   avant que la pierre s'allume

le fatigue cuisante d'être aux prises avec cette façade nue -       

nous passons dans l'intervalle du feu (p.290)

 

Le texte de du Bouchet est daté de mai 1955.

À une page précédente, du Bouchet s'interroge sur la nécessité intérieure de la position qu'occupent les écrits dans l'ensemble d'une œuvre, non pas en termes de chronologie, mais de sens : La nécessité apparaît quand il n'y a plus nécessité que ceci soit avant ou après – devant ou derrière – que les séquences plausibles peuvent être interverties, (p.287). Il en est ainsi aussi des œuvres d'auteurs différents, qui forment une constellation mouvante d'affinités : la tendre colonne de feu qui vous conduit, même dans le désert qui semble n'avoir ni limites, ni fin.4

 

Philippe Jaccottet, Fata Morgana, 2004

2Philippe Jaccottet, La Dogana,, 2004

3Une lampe dans la lumière aride, André du Bouchet, Le Bruit du temps, 2011

4Notes du ravin, supra, p.21

 

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