Le regard de Pina Bausch

          Mechthild Grossmann raconte, dans Le Monde Cuture & Idées de samedi 21 avril 2012, comment travaillait Pina Bausch. Pina Bausch avait engagé Mechthild Grossmann, qui était actrice et non danseuse, justement pace qu'elle n'était pas danseuse parce que, disait-elle, "chez les autres, ça fait trop dansé" et elle donnait cette indication, selon M.G., de "surtout ne pas chanter comme un chanteur, ne pas jouer comme un acteur, ne pas danser comme un danseur. Il fallait toujours tout réinventer à chaque fois.".

          Lorsque que Mechthild Grossmann proposait une improvisation à partir d'un mot donné par Pina Bausch, par exemple "pommier" ou "désir", celle-ci disait simplement "Non, on sent que ce n'est pas juste.", ou "Ma foi, on sent que c'est déjà plus juste.". N'est-ce pas exactement comme cela qu'il faudrait regarder toute oeuvre d'art, tout texte à dimension littéraire (je veux dire par là un texte que sa fnction de communication n'épuise pas) ? Tout réinventer à chaque fois à ses risques et périls et écrire au plus juste, "au plus près", comme le rappelle le titre du livre de Jean-Pierre Abraham (Seuil, 2004) : "Il y a sans doute un réglage à faire, ton mât est peut-être un peu trop incliné vers l'arrière, il y a trop de quête, c'est le mot. Il faut trouver un équilibre entre ce qu'on appelle centre de voilure et centre de dérive, [...]." (p.12)

         Mechthild Grossmann précise encore : "Elle écrivait toujours sur de petits bouts de papier ce qu'elle trouvait juste. 80% à 90% de ce que nous proposions était éliminé."

          Et je me souviens aussi de Gilles Deleuze, parlant d'une autre danseuse, Carolyn Carlson, et du juste point, "pas exact, juste".

 

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