Buée

 André du Bouchet :     

     Poésie : quand la réalité commence à déserter les images qu'elle a charroyées, et qu'elles apparaissent nues et seules.

     Les images nues qu'il faut ramener à la réalité,

     légèrement autre que la réalité première. (Cahier noir, avril 1951)

 

     Et plus loin, ces notes, ce poème déjà :

     La buée étouffe doucement la vue

          limitée aux cercles bien distincts des arbustes

          et du chemin qui tinte

          À partir de l'épaule, la terre s'incline sur le sentier et roule en poudre dans l'air au-dessous du pan d'herbes

               au-dessus des touffes -  (Cahier noir, octobre 1951)

 

      Que la réalité se retire des mots ne signifie pas qu'ils soient moins matériels. L'opacité, que leur confère l'adhérence à la chose qu'ils désignent, se résout ; ce léger décollement de la réalité les rend transparents, ouverts à la plurivocité, plus nus.

     Émotion parce que cette contemplation d'un paysage dans le brouillard est une expérience faite maintes fois, avec toujours ce sentiment poignant de disparition. Elle est rapportée ici  simplement,  le poème dit cet évanouissement de la réalité dans les mots et cette aura dont elle revient les nimber.

 

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